Le billet culture des élèves

THE ONLY WORLD

Cette semaine, les élèves du cours de Culture Musicale vous proposent un travail autour du spectacle The Only World.
C’est un spectacle proposé le 19 avril 2025 au Théâtre Théo Argence par l’inter-cordes, orchestre qui rassemble les élèves des conservatoires de Saint-Priest, Chassieu, Meyzieu, et de l’Ecole des arts de Vaulx-en-velin et cette fois avec les musiciens du groupe Lampshade.

Ce billet culture a été réalisé à la suite d’une interview d’Alwin EBURDERY, compositeur-arrangeur-pianiste-chanteur du groupe invité Lampshade, qui s’est confié sur parcours du groupe, son fonctionnement et sa vision de la musique.

LE GROUPE

Peux-tu nous faire un petit historique du groupe ?

L’idée de ce groupe est née pendant la COVID. Nous nous connaissions depuis longtemps et avions déjà fait plusieurs scènes ensemble. Nous avons débuté à quatre (batterie, 2 guitares et clavier). Nous avions sorti un premier album en 2020 qui n’a jamais été joué sur scène. Nous avons eu l’idée de ce deuxième album dans lequel ont été ajoutés du chant et un quatuor à cordes.

Pourquoi avoir choisi le nom Lampshade ?

Alors, il y a plusieurs explications possibles au nom du groupe, plusieurs histoires. Lampshade en tant que nom commun signifie en anglais « abat-jour », et « feutrer, obscurcir » en tant que verbe. Il évoque donc une ambiance douce, feutrée, un peu comme au crépuscule, ce qui correspond bien à notre style et à notre univers musical. D’autre part, l’un de nos guitaristes aime particulièrement la chanson Kashmir du groupe Led Zeppelin, et il existe un groupe qui s’appelle Kashmir avec un morceau intitulé Lampshade. C’est donc un peu tordu, mais c’est aussi un clin d’œil…

Comment se répartissent les rôles au sein du groupe ?

Nous travaillons principalement à cinq, c’est-à-dire les quatre membres fondateur du groupe et la chanteuse et nous écrivons tous. Le quatuor à cordes s’est ajouté pour cet album. Nous travaillons un jour par semaine depuis 2019. La création se fait de manière très variée, les cinq personnes mettent la main à la pâte, mais l’un des deux guitaristes et moi-même, qui avons une formation plus classique de lecteurs de la musique, nous occupons principalement des arrangements cordes.

LES CHANSONS

Comment se passe la création d’une chanson dans votre groupe (musique, texte, arrangement…) ?

On essaie de varier les recettes. Pour cet album, les chansons sont arrivées d’une personne : elle amène une base de départ qui peut être une ossature, une grille harmonique, une ligne vocale avec baragouinage, etc. Puis on utilise cette base pour créer des paroles. Pour ma part, il y a d’abord une phase de recherche durant laquelle je produis une ligne vocale en « yaourt » qui devient peu à peu une phrase et peut aller jusqu’à créer une thématique. Notre expérience de musiciens de bal nous a donné la volonté d’avoir plusieurs chanteurs lead. Lorsque nous sommes sur scène, le changement de timbres relance l’attention du public. On en profite aussi pour faire de la polyphonie vocale, ce qui apporte une forme de richesse à nos chansons. Il y a aussi, dans notre démarche, un travail sur la transe et la répétition. Cela nous intéresse de savoir jusqu’où on peut aller dans la répétition, à la limite de la transe et comment construire de la musique avec cette répétition.

Quels sont les ingrédients d’une chanson de Lampshade, l’inspiration, le choix de l’anglais, celui des tonalités ?

Alors l’anglais, c’est tout simplement notre culture de musiques actuelles amplifiées ; pour nous c’est tout naturel de chanter en anglais. La chanteuse chantait en français avant de rejoindre le groupe, mais dans un style différent. Sur ce disque, dans chaque chanson, la personne qui chante est celle qui a créé la chanson. De manière générale, nous avons plutôt la culture du créateur que de l’interprète. Pour les thématiques, elles se rejoignent souvent. Nous sommes dans une période post-Covid, tous musiciens rock devenus papas et mamans. Il y a donc des questions que nous partageons, des questions que nous nous posons : que laisse-t-on à nos enfants ? Même si nous ne pouvons le changer, comment pouvons-nous leur laisser un autre monde ? Quels sont les pièges à éviter ?

Pour le choix des tonalités, personnellement, j’essaie d’échapper à ma formation de pianiste classique. Cela offre beaucoup d’avantages d’avoir reçu cette formation, mais c’est tout de même un carcan dont il est difficile de s’extraire. C’est le fait de jouer de la guitare qui m’a permis de m’affranchir du langage classique. Je m’inspire de la technique de déplacement des accords sur un manche de guitare et j’applique cette technique au piano. Dans la chanson éponyme The Only World, je tends un fil entre les accords : la grille que j’utilise présente un do commun à tous les accords : C, Ab, F, DbMaj7, Cm. Quant au refrain, j’utilise une grille dans laquelle j’essaie d’éviter les sonorités « attendues » afin de créer un effet de surprise (Fm, C, F, Cm). Il y a un côté Gymnopédie de Satie dans cet enchainement d’accord.

Y a-t-il une suite logique dans l’enchainement des chansons ?

Pas réellement, mais quand même (rires). En fait, la chanson éponyme The Only World est comme un constat qui pose le décor ; et la dernière chanson Slow Down apparait comme une solution possible. Le progrès oui, mais pas trop vite ! Il faut lever le pied, prendre le temps de vivre. Entre ces deux chansons, l’ordre est plutôt choisi pour des histoires d’accordage, des contraintes techniques.

L’ACTIVITE

Quel est votre rayonnement : concerts, réseaux, plateformes… ?

Notre rayonnement est assez confidentiel, tout simplement parce que nous n’avons pas de vrai désir de faire beaucoup ni loin. Nous sommes trop nombreux, cela serait trop coûteux. Nous appartenons à une génération de « vrais musiciens », vrais au sens de « qui sont sur scène ». Mais aujourd’hui, il y a beaucoup de duos, de Dj etc. Et puis, nous ne vivons pas de nos concerts, nous avons toutes et tous une activité à côté. On fait donc peu de concerts, entre 5 et 10 par an environ. Et c’est la même chose pour la « consommation » de la musique : nous ne sommes pas dans l’énergie d’être à fond sur les réseaux. Cela prend un temps que nous n’avons pas forcément. Il faudrait donc embaucher quelqu’un pour le faire, ce qui est encore source de frais supplémentaires.

Quelle est votre relation avec le public ?

Notre relation avec le public est bonne, mais nous ne sommes pas un groupe qui échange beaucoup avec le public pendant le set. Les échanges se font plutôt à la fin, mais c’est toujours très volontiers. En fait, nous préférons parler aux gens avec notre musique…

LE PROJET

Comment est venue l’idée de monter ce projet avec l’Intercordes ?

Ce projet est né avec Michel ALADJEM, professeur coordinateur du département cordes au conservatoire de Saint-Priest. J’ai eu cette initiative dans une dimension pédagogique. Ma question de départ était : comment intégrer des cordes dans des musiques actuelles. La présence du quatuor à cordes dans notre album a permis de créer facilement cette passerelle.

Comment vivez-vous cette expérience de jouer avec des élèves ?

Il est un peu tôt pour répondre à cette question aujourd’hui. Le travail est en cours d’élaboration. Mais en tout cas, il est très agréable de partager la musique avec les élèves du conservatoire qui jouent ta musique, surtout quand tu vois que ces élèves prennent du plaisir. Notre démarche dans l’arrangement pour les cordes est particulière : trois partitions sont écrites en toutes notes, comme elles le seraient pour des œuvres classiques ; trois autres sont semi-ouvertes en ce sens qu’elles comportent des parties libres ; trois sont bâties sur un principe que j’ai baptisé « fais ta ligne ! » : c’est-à-dire que les élèves ont une grille d’accord sous les yeux et doivent trouver leur propre ligne à partir de ces accords ; enfin, il y a deux chansons dans lesquelles ils se débrouillent totalement. Cela représente un gros challenge pédagogique ! Le but est de faire découvrir une autre manière de vivre la musique, moins rigide que celle des partitions classiques.